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L’an 1304 de l’ère chrétienne, le lundi 20 juillet, au point du jour, je naquis dans l’exil à Arezzo, de parents honorables, originaires de Florence d’où ils étaient bannis. Leur fortune était médiocre, et, à dire vrai, voisine de la pauvreté. J’ai toujours méprisé souverainement les richesses, non que je ne voulusse pas des richesses, mais parce que je haïssais les peines et les soucis qui sont leurs compagnons inséparables. Je ne les aurais point enviées pour pouvoir faire bonne chère : avec une nourriture frugale et des mets simples j’ai vécu plus gaiement que tous les successeurs d’Apicius avec les festins les plus exquis. Les soi-disant repas qui ne sont que des parties de table ennemies de la tempérance et des bonnes mœurs, m’ont toujours déplu ; j’ai considéré comme une corvée et du temps perdu d’y inviter les autres et non moins d’y être invité par les autres. Mais manger avec des amis a pour moi tant de charme que rien ne m’est plus agréable que leur arrivée imprévue, et que je n’ai jamais mangé seul volontairement. Rien ne me déplaît plus que la pompe, non seulement parce qu’elle est mauvaise et contraire à l’humilité, mais parce qu’elle est gênante et ennemie du repos.