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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

ratoire, joyeuse courtisane en sa prime jeunesse et dont les complaisances intéressées avaient enchanté nombre de libidineux vieillards…

Tel fut le trouble de Harrisson qu’il ne songea même pas tout d’abord à replacer l’obturateur ; et il eut la douleur d’entendre les éclats de rire ironiques qui accueillaient au loin l’immonde calomnie.

Il regarda Lygie. La jeune fille n’avait pas bougé. Dans son blême visage foudroyé, rien n’était plus vivant, que les yeux pleins de détresse. Harrisson s’approcha, prit les petites mains tremblantes :

— Lygie ! murmurait-il… Lygie !…

Il attirait vers lui la jeune fille, l’enserrait d’un geste protecteur.

Mais les rires insultants se faisaient encore entendre au lointain. Il se retourna, brisa l’appareil à grands coups furieux. Et dans sa colère, il frappait au hasard, interrompant toute communication avec les zones publiques. Aussitôt, le silence tomba et toute lumière s’éteignit.

Harrisson entraînait Lygie vers la fenêtre, ouverte sur la douce nuit parfumée. Et ce furent enfin leurs fiançailles, pendant qu’au milieu du parc endormi, étrange sous la lune comme aux premiers âges du monde, le rossignol familier allumait sa chanson.

Le lendemain, Harrisson annonçait, par les Nouvelles Générales, son prochain mariage avec Lygie Rod, correspondante des Académies de physique et de biologie.

Immédiatement après, il posait sa candidature au Parlement mondial. Il ressentait à présent une joyeuse envie de se battre, même contre des adversaires déloyaux ou stupides.

Harrisson produisit son état civil ; n’étaient éli-