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HARRISSON LE CRÉATEUR

déré comme un aveu d’égoïsme et de lâcheté et entraînait, pour une période de dix ans, la perte du droit de vote.

Harrisson cependant hésita. Il ambitionnait pour les savants, non les agitations de la politique, mais le rôle plus efficace de conseillers techniques près du pouvoir suprême.

De plus, Harrisson était, en ce moment même, occupé à de passionnantes recherches ; une fièvre de travail et de curiosité le tenait comme aux plus belles heures de sa carrière. Enfin, il y avait Lygie… Lygie, la vierge forte, au lumineux cerveau, au cœur pur… Les deux jeunes gens travaillaient côte à côte, enveloppés de douceur souveraine ; leur amour, à peine exprimé, mûrissait comme le fruit le plus rare dans la pénombre discrète de leur vie. Et Harrisson craignait un peu la lumière brutale du grand jour.

Ce fut pourtant à cause de Lygie que, brusquement, en une minute d’indignation et de colère, il se décida.

Sylvia, de loin, poursuivait silencieusement sa vengeance. Un sûr instinct de femme dédaignée guidait ses coups vers Lygie. Par ses soins, depuis quelque temps, les calomnies couraient sous le manteau, dans le monde savant. Lahorie, dans ses harangues et jusque dans ses vers, y faisait des allusions transparentes. Enfin, un soir, comme Harrisson et Lygie, réunis à la bibliothèque, écoutaient les Nouvelles au cinétéléphone un abominable écho anonyme leur parvint. Une voix inconnue, venant d’un poste impossible à déterminer, disait l’aventure d’un savant, directeur d’un institut célèbre, homme à la fois très prétentieux et très naïf, qui se laissait prendre aux rets d’une servante de labo-