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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

pendant, demeuraient pour la fête de nuit. On voyait des avions monter au zénith à une vitesse vertigineuse et se laisser choir, par jeu, rayant le ciel comme des étoiles filantes.

Presque tous les appareils étaient parés, souvent avec originalité. Certains avaient été gréés en forme de barques et voguaient doucement comme si le vent seul eût soufflé dans leur voile. Des chevaux de feu escaladaient les nues, emportant des chars aux roues étincelantes. Une bataille de fleurs lumineuses se livrait, juste au-dessus du 1.47.

Les avions policiers surveillaient la fête, reconnaissables à leurs feux fixes d’un rouge éclatant.

C’était, par tout le ciel, un brassement formidable, une confusion surnaturelle, hallucinante, quelque chose de trop riche pour des yeux humains, habitués depuis des millénaires à la simple et grave beauté des heures obscures.

Harrisson remarquait la mélancolie d’Avérine.

— Maître, dit-il, c’est grâce à vous que les hommes peuvent se donner pareil spectacle !

Le vieillard répondit :

— L’inquiétude me blesse…

Il abaissa ses yeux éblouis et murmura timidement :

— Je rêve… au scintillement des étoiles dans la profondeur des abîmes… à la douce royauté de la lune… au glissement d’un mince rayon sur le feuillage endormi…

Harrisson, tout à coup, s’était penché sur la balustrade. Il scrutait l’horizon d’est où venaient d’apparaître une vingtaine d’avions en formation régulière et qui, cependant, ne portaient point le feu rouge des policiers. Lygie avait également aperçu les arrivants ; elle démasqua les écouteurs