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HARRISSON LE CRÉATEUR

dénudait les côtes, faisait éclater le crâne. Bientôt le lion ne bougea plus.

L’acclamation des foules, assourdie par l’obturateur, roula comme le bruit d’un tremblement de terre. Orog se dressa sur la bête vaincue. Complètement nu, chancelant, il montrait avec un rire d’orgueil sa poitrine sanglante et les plaies de ses membres. Et, tout à coup, il s’écroula, la face en avant, pendant que redoublaient les clameurs forcenées.

Au banquet principal comme ailleurs, on avait bruyamment applaudi. La sourde expression d’une joie barbare faisait craquer le vernis mondain ; les yeux brillaient ; des rictus involontaires décelaient l’hypocrisie des mines blasées. De lents rires voluptueux se mêlaient aux éclats de gaieté factice des intoxiqués. Les vins coulaient avec abondance.

Immobiles et méprisants, les gens de maison commandèrent le dernier service. Les tables aux lueurs d’améthyste furent couvertes de violettes énormes. D’autres violettes, toutes petites au contraire, miraculeusement légères et délicates, tombèrent comme une neige odorante sur les épaules des convives.

Les danses commencèrent d’animer les écrans. Sylvia, d’abord, parut au milieu de ses élèves. Elle mena des évolutions gracieuses, mais d’une correction classique un peu froide.

Harrisson, à la dérobée, regarda Lygie ; elle souriait d’un sourire ironique et crispé.

Après les évolutions d’ensemble, Sylvia parut seule en ses danses musicales. Nue, elle mima l’aventure d’amour dans une chambre d’harmonie. C’était là sa création dernière, qui lui valait l’applaudissement des foules en même temps que l’admiration des connaisseurs. L’art de la musicienne complétait,