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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

Avant le repas, suivant l’usage, la présidente, accompagnée de ses demoiselles d’honneur, se rendit aux cuisines et offrit, sur un plateau d’or, le pain et le vin au premier officier de bouche, chef du personnel servant. Rares étaient en effet les maisons où, comme chez Avérine, les convives servaient réellement les fonctionnaires gens de maison. Ces derniers devaient le plus souvent se contenter d’un geste d’offrande. Dans les agapes publiques, on s’en tenait toujours à une brève cérémonie propitiatoire.

Le premier officier de bouche rompit le pain et porta à ses lèvres le lourd hanap étincelant de pierreries. Puis il frappa trois fois sur un timbre d’argent ; à ce signal, les convives gagnèrent leurs places.

Il y avait trois grandes tables métalliques d’une luminosité douce et changeante. Quelques fonctionnaires gens de maison commandaient le service à distance en pianotant sur un petit clavier portatif. Au-dessus des tables, étincelait une machinerie compliquée ; sur des glissières rigides, les serveurs automatiques voyageaient incessamment ; des appareils de préhension, ornés de fleurs, descendaient sans bruit devant chaque convive, déposaient un fruit, un couvert, une coupe et remontaient, emportant les plats vides. Les liqueurs variées coulaient des fontaines d’argent.

Les tables étaient chargées de fruits énormes et de fleurs rares. Les horticulteurs présentaient leurs créations les plus récentes, des fleurs gigantesques, de monstrueux hybrides au coloris merveilleusement délicat ou étrange. Des amateurs américains étaient parvenus à produire d’étonnantes floraisons ultra-rapides et éphémères. Sous les yeux des con-