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HARRISSON LE CRÉATEUR

de veulerie morale, de pessimisme et de lâcheté, les hommes n’avaient jamais connu le frais bonheur de vivre. Or, grâce aux découvertes d’Avérine qui éclairaient le monde nouveau d’une radieuse aurore, une réaction salutaire s’opérait. En dépit des objurgations d’une philosophie aveugle et essoufflée, les peuples retrouvaient, d’instinct, les fortes vertus essentielles qui, de l’animalité ancestrale, avaient conduit l’espèce à la suprématie actuelle. Les âmes, sortant de leur artificielle et maussade léthargie, reprenaient leur élan vers les cimes, hardiment, dangereusement, dans un éblouissement de lumière et de joie.

L’ovation formidable des auditeurs lointains salua la péroraison de Lahorie. Le souffle des foules passa comme une tempête :

— Gloire à Avérine ! Gloire à Lahorie ! Justice et liberté ! Justice ! Justice !

Le poète descendit de la tribune, le cœur gonflé d’orgueil. Écartant, d’un geste noble, les délégués gens de maison qui voulaient le porter en triomphe, il se dirigea lentement, avec une gravité d’idole, vers le groupe de ses jeunes disciples.

La rumeur des foules, cependant, s’était éteinte ; une phrase nette, venue à n’en pas douter d’un poste très voisin, tomba des écouteurs :

— Il retarde d’au moins dix siècles, cet imbécile !…

Harrisson reconnut la voix de Lygie Rod. Lahorie entendit également, et la joie de son triomphe en fut gâtée.

À huit heures du soir, le banquet réunit cinq cents convives sous la présidence de la Monitrice générale des Jeux et Festins.