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HARRISSON LE CRÉATEUR

plus que lui n’avait le droit de parler en cette occurrence.

Harrisson ne comptait pas intervenir ; il se rendit pourtant au vœu de l’assemblée. Son discours ne répondit en rien à ce que les savants attendaient de lui. À la surprise générale, Harrisson l’audacieux, Harrisson le créateur, ne prêchait que l’humilité et la prudence. « Je ne sais pas si mon œuvre est bonne », avait dit le maître. Tous les savants pouvaient parler de la même façon. Une acquisition scientifique, aussi belle, aussi importante qu’elle fût, n’était pas un bien en soi. La découverte de Roume, — que rien, pour l’instant, ne permettait de mettre en doute, — venait fort à propos renforcer cette thèse. Un avertissement terrible montait de la nuit des siècles. Cette civilisation tertiaire, si complètement disparue qu’il avait fallu les ressources les plus subtiles de la science moderne pour en découvrir quelques faibles traces, il était infiniment probable qu’elle s’était anéantie elle-même. Tout portait à admettre, pour ces anciens maîtres de la terre, une fin brutale, instantanée, un évanouissement catastrophique et non point la lente régression naturelle d’une espèce arrivée à la limite de son développement.

Or l’humanité pouvait disparaître de la même façon ; la vieillesse ne la menaçait nullement, mais l’accident.

Harrisson soulignait le danger, — mille fois plus grand que jadis, — des misérables rivalités ethniques ou corporatives. L’humanité était trop puissamment armée pour jouer encore à ces jeux hasardeux.

D’autre part, la science, souveraine du monde, devait être considérée comme telle. Harrisson,