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HARRISSON LE CRÉATEUR

oublier qu’ils parlaient et agissaient sous les yeux du monde entier.

Un philosophe, tenant des vieilles doctrines, monta le premier à la tribune. On ne pouvait, selon lui, mieux honorer Avérine qu’en suivant son enseignement. Le maître n’avait-il pas dit : « Aimez-vous les uns les autres… pardonnez ! Ne frappez pas les méchants !… » Il avait dit surtout : « Soyez prudents !… Ne cueillez pas à la légère des fruits peut-être empoisonnés ! » Il importait que l’humanité se pénétrât toujours plus de ces vérités essentielles.

La leçon, très générale, était pour les savants ; mais elle s’appliquait aussi aux politiques et à tous les groupements humains dont les revendications avaient tendance à se produire sur un ton âpre et pressant.

Un délégué météorologiste répliqua sur-le-champ. C’était un jaune du Petchili. Il parlait en souriant, sans faire le moindre geste. Tout de suite, pourtant, il secoua l’assemblée… Il apportait à Avérine le salut des opprimés. Nul ne donnait à la vieille doctrine d’amour une adhésion plus sincère que la sienne. Mais cette précaution prise, il déclara sans ambages que la justice était la plus haute réalité de l’ordre moral. Tant que la volonté de justice n’existerait pas chez tous les hommes, aussi longtemps que la lumière du jour éclairerait de criantes inégalités, il serait vain de parler d’amour. L’orateur ne citait, d’ailleurs, aucune de ces criantes inégalités ; il s’en tenait aux termes vagues et généraux, aux clichés séculaires ; mais sa voix portait, sèche, contondante.

Quand il descendit de la tribune, une clameur confuse tomba des écouteurs. On entendit des