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HARRISSON LE CRÉATEUR

rait à célébrer Avérine ; les présidents de dix mille assemblées secondaires ouvraient la séance.

Le policier cinétéléphoniste commençait de démasquer une batterie d’écouteurs universels installés en haut de la salle. On entendit d’abord comme un murmure lointain ; on eût dit le frémissement innombrable d’une forêt sous les mille archets du vent. Lentement, le policier tournait le petit volant qui commandait l’obturateur. Le bruit grandissait à mesure. Ce fut bientôt un brouhaha de voix heurtées et discordantes, encore lointaines pourtant et voilées. Enfin une immense clameur tomba de la voûte métallique. De tous les points du globe, les acclamations volaient vers le 1.47.

— Avérine !… Hourrah pour Avérine !… Gloire à Avérine !… Gloire ! Gloire !…

Le vieillard se leva ; droit, dans un long costume de bure blanche, il apparut à des millions de spectateurs. Aussitôt, la clameur changea :

— Que le sage parle ! Qu’il nous parle !…

D’un coup sec, le policier bloqua l’obturateur. Et, dans le silence frémissant, le grand vieillard parla avec simplicité aux peuples de la terre :

— Pourquoi votre amitié vient-elle vers moi ? Qu’ai-je fait pour la mériter ?… Je vous le dis : je ne sais pas ce que j’ai fait pour mériter votre amitié… Il n’est pas certain que mon œuvre soit bonne. À cette heure, en vérité, je n’en suis pas sûr… L’arbre que j’ai planté, je me demande quels fruits il portera… Et je suis inquiet !… Vous qui vivrez sur la terre après moi, soyez prudents !… Ne cueillez pas sans précautions les fruits dangereux… soyez heureux avec prudence ! soyez savants avec prudence ! Soyez justes avec prudence !… Contre le mal, luttez avec prudence ! Désarmez les méchants,