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HARRISSON LE CRÉATEUR

L’adaptation nécessaire aurait-elle le temps de s’accomplir ?

Il semblait vain de compter sur un arrêt du progrès scientifique ; la curiosité n’abdiquerait jamais au seuil de l’inconnu.

D’autre part, l’expérience prouvait qu’il ne fallait pas, non plus, trop compter sur les grands courants artificiels d’opinion pour précipiter l’évolution des sentiments populaires. Quoi qu’on tentât, le cœur demeurait en retard sur l’esprit ; le désaccord sans doute était aussi vieux que le monde ; mais il pouvait devenir mortel en s’accentuant.

Pour que l’humanité pût durer à l’abri des orages, il fallait une prudence toujours plus grande, une vigilance de tous les instants. La société moderne devait, avant tout, surveiller étroitement les recherches scientifiques. Or, rien n’était fait. Sous le prétexte de liberté individuelle, le savant demeurait maître de ses actions tout aussi bien que le mortel le plus inoffensif. Et rien ne s’opposait à ce que le geste d’un imprudent ou d’un fou ne déclenchât quelque terrible catastrophe…

Harrisson songeait à ses premiers travaux : lui aussi avait fait connaître ses découvertes avant d’en avoir envisagé toutes les conséquences possibles ! Depuis, de nombreux savants s’étaient engagés sur la route hasardeuse qu’il avait prématurément tracée…

Harrisson songeait et l’inquiétude ternissait gravement la joie de son récent succès. Il se promit d’être plus prudent que jadis et se félicita de n’avoir rien dit, au dîner, devant la mondaine aux seins pervenche. Il pensait :