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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

fauves, une simple massue de chêne au poing, les radiophones leur apportaient des quatre coins du monde les acclamations frénétiques, les hurlements des foules en délire.

Pourtant, depuis plus d’un demi-siècle, une nouvelle et rapide évolution des mœurs se dessinait. Les découvertes d’Avérine avaient eu des répercussions inattendues. Elles faisaient faire à l’esprit un saut brusque ; d’une forte secousse, elles brisaient les vitres de la serre. Par elles, le monde connaîtrait peut-être encore le tourment des horizons hasardeux ; une fois de plus, hélas ! des nuées pouvaient s’amonceler, lourdes d’orages imprévus.

Le danger apparaissait à Harrisson, songeur.

L’humanité, artificiellement assagie, artificiellement vieillie, retrouvait peu à peu, depuis un demi-siècle, son imprudente jeunesse. Les derniers philosophes reniaient le pessimisme qui avait assombri les âges précédents ; les poètes rallumaient les flammes de l’enthousiasme.

Un sourd travail de renouveau s’opérait parmi les masses. Sans renoncer aux vices récemment acquis, le peuple écoutait en son cœur la chaude et troublante voix des instincts refoulés. Des aspirations confuses et, au fond, brutales, s’agrégeaient en idéaux vagues et simples. Les mots de justice, d’honneur, de liberté recommençaient à claquer comme des drapeaux, en des discours arrogants. Tous les concepts particularistes recevaient l’adhésion des foules.

En marge des lois, des corporations s’organisaient combativement ; des grèves partielles éclataient, non point le plus souvent pour des raisons économiques, mais à propos de misérables questions de préséance.