créatrice ne se rencontrait guère que chez certains savants. La littérature et les arts étaient en pleine décadence. L’époque à demi barbare du crépuscule chrétien avait vu l’éclosion de poèmes incomparables, les plus beaux sans doute qui eussent jamais bercé la souffrance des hommes. Ces poèmes, on les répétait et on les imitait sans les comprendre ; ou bien, sous couleur de raffinement, de délicatesse, on tombait à d’obscures complications.
Les vertus démodées : religion virile de l’effort, religion hargneuse de l’honneur, amour brutal de la justice, désir contraire et non moins brutal de domination, goût déraisonnable du risque et de l’aventure, toutes ces vertus si dangereuses, refoulées par l’instinct de conservation, manquaient cruellement à l’homme nouveau.
Les âmes, privées d’inquiétude, languissaient, telles des plantes de plein vent transportées dans l’air tranquille d’une serre. Et, tout aussi bien que les artistes, le populaire, dont la vie était aisée, glissait à l’ennui profond, aux passions morbides, aux monstruosités sentimentales.
L’usage néfaste des pilules hilarantes s’était répandu malgré tous les règlements imaginables. Des associations à demi secrètes se livraient aux plus tristes débauches. Un sadisme effroyable apparaissait chez certains individus. D’ailleurs, par une régression singulière, il se produisait souvent, parmi les masses, des explosions de brutalité collective. Les spectacles les plus courus étaient les jeux du cirque. Pour ces jeux, on conservait à grands frais, en des parcs d’Afrique et d’Asie, des espèces carnassières qui, sans cela, eussent disparu depuis longtemps. Certains belluaires devenaient rapidement les idoles du public. Lorsqu’ils affrontaient les