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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

manité avait-elle été invinciblement conduite à bâtir suivant un plan linéaire. Aucune grande ville comparable aux cités monstres de l’époque antérieure ; à peine quelques faibles agglomérations, régulièrement bâties en éventail autour des gares, mais, partout, d’interminables files d’habitations : habitations assez rapprochées au voisinage des grandes lignes, généralement plus espacées le long des lignes secondaires. Au répertoire général de la planète, chaque maison, chaque établissement avait un numéro qui en indiquait immédiatement la position exacte. C’est ainsi que l’institut Avérine, — laboratoire et maison d’habitation, — portait le numéro 1.47.12.32.007. Connu dans le monde entier, on ne l’appelait d’ailleurs que le 1.47.

Aucun trouble grave, pendant ces cinq siècles, n’était venu menacer sérieusement la civilisation. La vigilance du Conseil Suprême prévenait en général les conflits. Lorsque des guerres éclataient malgré tout, — cela se produisit plusieurs fois aux premiers siècles — elles étaient étouffées immédiatement, coûte que coûte, par la police universelle.

L’élite humaine, dans son ensemble, était devenue résolument hostile à toute idée d’aventure guerrière. La terre se repeuplait assez rapidement. Des hommes sages menaient avec prudence les générations nouvelles vers un avenir tranquille et raisonnable.

Et cependant les hommes ne connaissaient pas le bonheur !…

Le mal du temps était la tristesse, mal profond, qui prenait, chez une partie de l’élite, la forme d’un pessimisme incurable et qui frappait les masses, plus cruellement encore peut-être, d’une sorte de sénilité du cœur. La joie véritable, la chaude joie