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HARRISSON LE CRÉATEUR

modération, et d’innombrables radiophones répétaient leurs sermons.

La doctrine du courage soulevait quelques discussions. Cependant, la plupart des moralistes s’accordaient à reconnaître en cette grande vertu de l’ère chrétienne une forme adoucie de la férocité ancestrale ; et, de même que la férocité était apparue comme un danger dès l’aurore des âges historiques, certaines formes du courage semblaient périmées, redoutables et appelées à disparaître à l’époque scientifique ; sur ce point l’évolution devait non seulement continuer, mais s’accélérer rapidement.

On tournait en rusant autour de l’instinct de justice. Il s’agissait là d’une acquisition récente de l’esprit humain. L’homme préhistorique se moquait probablement du droit ; il ne le concevait pas. Au contraire, malgré les apparences, l’homme de l’époque chrétienne allait vers ce qu’on appelait la justice. Il y allait par des chemins hasardeux, où les brusques détours n’étaient pas rares, mais il y allait passionnément, et c’était presque toujours au nom de la justice qu’il tuait.

Cet instinct en pleine croissance se retrouvait vivace après la catastrophe ; le jeune dieu conservait ses fidèles. Cependant la justice idéale, sommet blanc dressant sa vague silhouette dans le brouillard, semblait toujours aussi inaccessible, aussi éloignée des réalités grossières. De ce désaccord entre les aspirations humaines et les faits, le danger pouvait toujours naître. De grands efforts furent tentés pour organiser une société où toutes les apparences du droit fussent sauves et qui satisfît nominalement le besoin universel d’égalité, forme sommaire du désir de justice chez les masses. Il ne