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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

à une formidable crise provoquée par l’apparition révolutionnaire de la science. Or, la science n’était pas morte ; le flambeau avait vacillé sans s’éteindre. Et, bientôt, toutes les lumières se rallumaient. Les savants n’avaient qu’à chercher dans le passé, qu’à renouer des fils brisés.

Mais, instruite enfin par l’expérience récente et effroyable, l’humanité allait s’engager sur des voies nouvelles et faire un grand effort d’adaptation.

L’homme demeurait égoïste et cruel ; bien que l’on attendît beaucoup de la science, on ne pouvait encore caresser l’espoir de modifier rapidement le caractère de l’individu. Afin de rendre improbables les aventures guerrières, une élite clairvoyante admit la nécessité de former artificiellement de grands courants d’opinion, de créer une nouvelle atmosphère morale, dût-on, pour cela, sacrifier quelques précieuses forces vives.

Obéissant à un profond instinct de conservation, l’humanité, d’ailleurs, repoussait naturellement des concepts jadis tutélaires, mais devenus dangereux pour l’espèce à une époque de civilisation scientifique.

L’idée de nation ne se trouvait plus que somnolente au cœur des masses ; l’orgueil de caste était péché capital. Les études historiques, créatrices chez les humbles d’inquiétants états d’âmes, n’étaient permises qu’à un petit nombre d’hommes mûrs, qui devaient d’ailleurs s’engager à ne briguer aucune fonction publique.

Un nouveau classement des vertus et des vices s’opérait. La nécessité de la bonté apparaissait avec l’évidence d’une vérité mathématique. Des apôtres pressants prêchaient la prudence, la tolérance, la