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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

gauche et celui de droite démasquèrent leurs projecteurs. Instantanément une formidable explosion déchira l’air : tous les avions de flanc-garde avaient sauté à la même seconde. Les avions du centre, soufflés par l’explosion, voltigeaient comme des feuilles mortes ; environnés d’un brouillard subit, ils allumaient leurs phares, lançaient des fusées, cherchaient au hasard l’invisible ennemi.

Alors la jeune Française, sortant de la tranchée, s’avança vers le sommet de la colline. À demi tournée vers ses compagnons, les yeux exaltés, la bouche sombre, elle montra l’horizon d’un grand geste ardent, et elle cria à pleins poumons :

— Du nord au sud, fauchez !

Mille avions, portant chacun une tonne d’explosifs d’une puissance terrible, s’anéantirent à la fois. La terre tressaillit. Une trombe d’air s’abattit sur le pays, jeta la mer à l’assaut du rivage. Les électriciens, durement plaqués au fond de la tranchée, virent Noëlle Roger quitter la terre, les bras toujours levés. Ils la retrouvèrent à cent mètres en arrière, étendue face au ciel, morte, la bouche hurlante encore, une horreur indicible au fond de ses yeux inhumains.

Et de l’immense escadre il ne restait plus rien à l’horizon, qu’une vaste et vague nuée.

À partir de cette minute, le sort de la lutte sembla fixé.

Cependant les Asiatiques ne se découragèrent point. Leurs constructeurs travaillèrent fiévreusement ; pour un avion détruit, dix sortirent des usines. En même temps, leur tactique offensive changea ; ils n’attaquèrent plus que pendant la nuit, en ordre très dispersé, cherchant partout la surprise. Tous leurs savants se penchaient sur le