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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

Uniquement soucieuses de l’avenir immédiat, elles perdaient leurs vertus anciennes sans en acquérir de nouvelles et laissaient aller les choses avec une sorte de fatalisme désenchanté. Aucun peuple ne savait d’une façon précise ce qu’il voulait.

La fin du vingtième siècle et la première moitié du vingt et unième furent une époque d’expériences sociales désordonnées. L’une après l’autre, de puissantes collectivités se désagrégèrent. Les guerres civiles succédèrent aux guerres nationales. Une conception sommaire de la justice les rendait fréquentes et acharnées. Elles éclataient pour des motifs futiles ou absurdes. Dans l’intention d’éviter un malaise insignifiant, les hommes n’hésitaient pas à déclencher les pires catastrophes.

Il n’y avait plus, à proprement parler, d’armées ni de front de guerre. Toute la population était frappée, tout le pays ravagé. Des engins délicats et puissants, maniés aisément par des femmes ou des enfants, portaient la mort à de grandes distances. Les armes de choc étaient encore utilisées, mais perdaient peu à peu de leur importance. Les gaz toxiques tuaient beaucoup de monde ; des avions porteurs d’explosifs ou de poisons variés broyaient les villes ou les rendaient inhabitables. À plusieurs reprises, des ensemencements microbiens dépeuplèrent de vastes régions et le fléau menaça le monde entier.

Malgré tous ces soubresauts, l’humanité semblait progresser… La science, qui armait si terriblement les hommes pour le mal, les armait aussi pour le bien. Les masses étaient moins durement soumises à la loi du travail. La satisfaction des besoins primordiaux devenait de plus en plus facile. Les plus humbles connaissaient rarement les grandes pri-