Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
HARRISSON LE CRÉATEUR

point. Il chercha sur les derniers rayons de la bibliothèque, où étaient relégués les principales œuvres contemporaines et quelques ouvrages de philosophie ou d’histoire.

Une Histoire générale de la civilisation, du dix-huitième siècle chrétien au cinquième siècle de l’ère universelle, s’offrit à ses yeux. C’était un ouvrage considérable ; imprimé en violet sur métal inoxydable, il ne comptait pas moins de deux mille pages d’un texte serré ; malgré la minceur extrême des feuillets et la légèreté de la couverture en aluminium poreux, il pesait presque autant que tel in-seize antique, imprimé sur grand papier.

Harrisson ouvrit le livre. L’historien n’était pas beaucoup plus explicite que les savants. Il parlait bien, à plusieurs reprises, d’éclairage « électrique », mais ce terme vague, qui pouvait en effet s’appliquer à la lampe à mercure, pouvait tout aussi bien désigner divers procédés d’éclairage plus primitifs, plus barbares, tels, par exemple, que la simple incandescence d’un fil métallique.

Harrisson, pourtant, continua de feuilleter l’ouvrage dont le ton lui plaisait. Écrivant l’histoire de l’humanité à l’âge scientifique, l’auteur, avec une implacable logique, démontrait qu’à l’origine de tout changement dans la marche de la civilisation, on trouvait une découverte dont personne, le plus souvent, n’avait tout d’abord mesuré l’importance. À l’encontre de plusieurs de ses confrères, l’historien soutenait que ni les philosophes, ni les moralistes, ni les poètes, ni les guerriers, ni les légistes ne dirigeaient l’humanité ; leur action personnelle n’était que secondaire, momentanée, locale et sans prolongements. Les vrais dirigeants étaient de modestes chercheurs à peine connus de leurs