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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

dans les vergers, les forceries et les parcs des agriculteurs. En face de la fenêtre, dans un vieux chêne sauvage, un rossignol commença de chanter. La villa reposait ; tous les écouteurs étant fermés, les bruits lointains n’arrivaient pas. Seule, au milieu du silence, cette petite chanson s’épanouissait, telle une fleur ardente hors d’un calice d’ombre.

Les frondaisons du parc rustique masquaient l’horizon, et il ne montait des campagnes environnantes qu’une lueur diffuse. Dans les hauteurs du ciel, de rares et silencieux avions passaient, dont les phares avaient des scintillements d’étoiles. La sérénité de l’heure était telle qu’on eût pu se croire ramené dans le lointain des âges. Dix siècles auparavant, vers le vingtième de l’ère chrétienne, il y avait peut-être, en ce point de la terre, une maison à peu près semblable à celle d’Avérine et de grands arbres sauvages où, par les belles nuits d’été, les rossignols venaient chanter… Malgré l’industrie des hommes, malgré leur immense effort, certains aspects du monde demeuraient, certaines scènes se renouvelaient, très peu différentes d’ère en ère.

Harrisson eut un sourire. Il pensait :

— Voilà un thème banal à souhait… que je pourrais passer à notre Lahorie… Mais il l’a déjà traité cent fois !

Il ferma la fenêtre et se mit à songer à la vie des hommes qui avaient habité cette contrée mille ans plus tôt… Sa pensée ne se perdait pas longtemps dans la rêverie vague. Le papillotement soudain d’un photophore mal réglé ramena son attention sur une question précise : il se demanda si, au vingtième siècle de l’ère précédente, l’antique lampe à phosphorescence, premier essai d’éclairage rationnel, était d’un usage courant. Plusieurs ouvrages scientifiques, rapidement consultés, ne le renseignèrent