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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

plus précieuses offrandes. Bow, mère terrible, que Samuel et Ouaf eux-mêmes n’abordaient qu’avec précaution durant les premiers jours de l’allaitement, confiait à l’enfant ses derniers nés.

La prudence des guides s’accrut encore. Samuel montait aux arbres pour scruter l’horizon ; Ouaf, le museau levé, interrogeait les plus subtils effluves passagers.

La tribu ne craignait plus rien des grands herbivores, mais elle redoutait toujours l’homme.

Or, pendant de longs jours, l’homme ne fut jamais signalé.

Aussi, le zèle des veilleurs finit-il par diminuer. Et, par un soir d’été, où l’air était alourdi de puissantes odeurs forestières, Flore, tout à coup, se laissa surprendre allaitant son enfant…

Ce fut une fuite éperdue dans l’ombre épaisse de la forêt. Le lendemain, il n’y eut pas de nouvelle alerte, mais, lorsque l’aube revint pour la seconde fois, Ouaf signala des hommes dans toutes les directions.

Flore ayant dissimulé l’enfant dans les plis de sa fourrure, toute la tribu s’avança sous le vent. Bientôt un groupe humain fut en vue, barrant la piste suivie. Flore reconnut les femmes qui l’avaient surprise ; derrière les femmes se tenaient deux hommes blancs montés sur des chevaux. L’un de ces hommes, apercevant la tribu, jeta un cri ; sa main levée créa un feu vif et le bruit du tonnerre.

Déjà Samuel reculait ; mais au signal de l’homme blanc, d’autres bruits répondaient et des cris et des appels. Le danger approchait de tous les côtés à la fois. Cernée, la tribu se rassembla autour de Flore. En pointe, Bow, hérissée, avançait lentement ; puis venaient ses fils à lourde mâchoire, puis le couple