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UNE GENÊSE

reprises, ils avaient été menacés, poursuivis ; aussi traversaient-ils aussi vite que possible les régions habitées, fussent-elles des plus hospitalières. Ils s’attardaient au contraire volontiers dans les cantons déserts.

Leurs sens, naturellement fort développés, acquéraient peu à peu une acuité singulière. Ils voyaient et entendaient de très loin, et leur odorat reconnaissait au passage de subtils effluves. Ils se laissaient surprendre de moins en moins souvent ; dès qu’ils soupçonnaient la présence des hommes, ils décampaient, agiles et silencieux.

Leur prudence était extrême ; leur courage, en toute occasion, assez bas. Même chez Samuel, aux heures de danger, l’instinct belliqueux ne s’éveillait point.

Les herbivores de grande taille excitaient leur méfiance. Il leur arrivait de rencontrer des bandes de chevaux, des troupeaux de ruminants, errant de pâturage en pâturage ; et souvent, quelque vieil animal, retrouvant devant ce couple humain ses habitudes domestiques, accourait quêter une caresse ou un ordre. Mais, aussitôt, les deux enfants se dérobaient.

Après les hommes, ils redoutaient par-dessus tout les chiens. Leurs bandes inquiétantes commençaient en effet à parcourir les plaines, où elles se livraient de violents combats. On en voyait qui passaient en trombe, les yeux en feu, à la poursuite de grands herbivores isolés. D’autres, hargneux, montaient une garde dérisoire près des anciennes maisons, vides de leurs habitants. D’autres enfin, le regard plein de détresse, hurlaient plaintivement et voyageaient à la recherche de leurs maîtres.

Un matin, Samuel et Flore, qui avaient passé la