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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

çantes. De préférence, ils cheminaient à proximité des couverts par des pistes peu frayées.

Ils suivirent pendant assez longtemps une vallée boisée où coulait une large rivière, et ils arrivèrent en une région où les hommes étaient encore assez nombreux ; ils en rencontrèrent plusieurs qui semblaient tristes et très méchants. Pris de peur, ils s’enfuirent, et, sur un pont intact, passèrent la rivière. Les jours suivants, comme ils s’éloignaient de la vallée, ils tombèrent dans un immense charnier. L’odeur les chassa. Marchant vers le soleil de midi, ils arrivèrent sur des terres hautes d’où coulaient de gais ruisseaux. La région était déserte, parsemée d’ossements déjà blanchis. Ils y vécurent quelque temps et leur mélancolie se dissipa.

De toute part, les fruits merveilleux d’automne courbaient les branches. De lourdes pluies tombèrent, et puis ce fut encore la caresse du soleil. Les champignons perçaient la verdure, odorants comme des fleurs. Les animaux domestiques qui avaient échappé au désastre vivaient librement ; les oiseaux de basse-cour déposaient leurs œufs sous les buissons. Samuel et Flore assuraient, sans aucune peine, leur subsistance.

La joie habita leur poitrine.

Tout le jour ils jouaient et dansaient.

Flore, berçant sa poupée, lui tenait de longs discours rythmés. Samuel, avec son rouet, allumait des feuilles sèches et des branches résineuses. Et tous deux se penchaient sur la fleur tumultueuse du feu.

À la tombée du soir, ils gagnaient un gîte de broussailles ou se réfugiaient au creux de quelque tronc géant : De petits carnassiers rôdaient, que le moindre mouvement mettait en fuite. Souvent des