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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

geste brutal, du geste d’un imprudent, d’un ignorant, d’un fou, pour mettre le laboratoire en communication avec l’extérieur. Et alors, le système 13 se répandrait sur le monde avec une facilité dont les invasions de féeriques grossiers ne pouvaient donner l’idée. Dans tout l’éther tellurique naîtraient instantanément les foyers stérilisateurs…

Coûte que coûte, il fallait interdire l’accès du laboratoire et, avec les précautions nécessaires, détruire les appareils.

Lygie s’élança… Mais un cri de démence s’éleva derrière elle ; avant qu’elle eût fait trois pas, deux mains s’agrippèrent à ses épaules. Sylvia, apercevant sa rivale, avait bondi.

— À moi ! criait-elle ; nous tenons la vengeance !

À sa voix, ceux qui s’étranglaient et qui se déchiraient lâchèrent prise ; ceux qui avaient roulé à terre se remirent debout ; presque tous les aveugles se rallièrent. Des hurlements de fauves déchaînés emplirent le vestibule.

Lygie eut la force de se retourner et sa voix monta dans le tumulte, à la fois suppliante et chargée de menaces.

— N’avancez pas ! Il y a danger de mort !… et plus encore !… un danger effroyable… pour tous les hommes !…

Des mains se crispèrent sur sa gorge. Dans la pénombre, elle vit, près de son visage, la face ardente de Sylvia ; et elle vit, un peu en arrière, les yeux vides et rouges, les bouches noires hurlant à la mort. L’haleine démoniaque d’une meute à la curée l’enveloppa comme une flamme.

Folle d’épouvante, elle se remit à fuir. D’un effort désespéré, elle entraînait Sylvia et deux aveugles