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LA MÊLÉE

IV

LA FUREUR DES AVEUGLES


La danseuse Sylvia montait vers le Refuge, guidant cinquante forcenés.

La veille, Lahorie, touché par le rayonnement d’un féerique, était mort sous l’uniforme des gens de maison, dans une crise de folie furieuse. Elle, moins gravement atteinte, avait échappé momentanément à la démence, mais s’était trouvée en proie, néanmoins, à une très violente exaltation. Rejetant les habits grossiers de fille de cuisine sous lesquels elle se cachait depuis la guerre africaine, elle avait revêtu une somptueuse tunique de reine d’amour, s’était parée de merveilleux bijoux, puis, incapable de demeurer en repos, elle était partie à l’aventure, riant, pleurant, dansant, chantant.

Or, la clameur de haine soulevée contre Harrisson avait frappé son oreille et aussitôt, sous le choc, la vieille blessure d’amour-propre s’était remise à saigner. Son exaltation s’était orientée ; un furieux désir de vengeance avait empli son âme.

Elle avait joint sa voix à celle des autres délirants, puis elle avait pris sa course vers le Refuge. Elle était arrivée seule à la centrale 0.48. Là, un féerique récent, d’action limitée mais très variable, venait de faire des victimes. De nombreux cadavres gisaient, des paralytiques se traînaient sur les