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HARRISSON LE CRÉATEUR

vive allait se prononcer. Les physiciens attardés aux vieilles méthodes souriraient ; des philosophes se boucheraient un peu plus les oreilles, des rhéteurs balanceraient de ronflantes périodes, des plaisantins feraient des mots, des poètes essoufflés exhaleraient une fois de plus l’hymne sempiternel au passé et couvriraient de fleurs les idoles chancelantes.

— Et, demain, j’aurai raison contre tous ces bavards !

Harrisson s’était allongé sur un divan très bas au fond de la terrasse. Devant ses yeux, la campagne s’étendait, calme et somptueuse ; un vent tiède poussait des bouffées odorantes ; le jour s’atténuait dans un bonheur langoureux.

Harrisson sentait se dissiper sa fatigue. La dernière phrase du vieillard vint sur ses lèvres :

— Voici le soir… le soir miraculeux et doux…

Les regards du jeune homme se posèrent avec une tendresse respectueuse sur la haute figure blanche aux yeux clos ; et il murmura :

— Le plus beau cerveau qui fut jamais !… Il en est au rêve, au miracle… Comme il baisse !… Cent ans, hélas !

Il se remémora l’étonnante histoire de cet homme, de ce grand Avérine qui, déjà, aux yeux des masses populaires, prenait place parmi les figures de légende. Né au début du cinquième siècle de l’ère universelle, abandonné par ses parents, complètement illettré à douze ans, aide-cuisinier à quinze, puis frotteur, puis mécanicien, faisant trois ou quatre cents fois le tour de la planète à bord des grands express aériens, il se trouvait, à vingt-cinq ans, garçon de laboratoire dans un institut de recherches péruvien. On commençait à parler de lui en 452 : il attirait l’attention du monde savant et industriel par une synthèse des albumi-