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LA MÊLÉE

saient déjà d’effroyables ravages, on voyait aussi la chair se fendiller, de profondes crevasses atteindre les organes essentiels sans amener immédiatement la mort ; ou bien la peau devenait flasque, pendait en vastes fanons élastiques qui se soudaient bientôt aux points de contact.

Cinq millions de Chinois du Yunnam parallèle eurent, tout à coup, des os cassants comme verre ; les malheureux périrent au bout de peu de temps, après d’atroces souffrances, le squelette émietté, la chair bourrée d’esquilles.

Leurs adversaires tonkinois des alignements méridiens connurent une disgrâce de même nature, mais plus complète encore et plus sinistre. Leurs membres se desséchaient comme s’ils eussent été exposés longtemps à la chaleur d’un four. Le mal commençait aux extrémités inférieures et, rapidement, gagnait les masses musculaires importantes ; les bras étaient atteints les derniers. Les organes morts se brisaient ou s’effritaient au moindre choc et le reste du corps n’en continuait pas moins à vivre. À ces maux atroces s’ajoutait une folie joviale et bruyante. Et l’on voyait des malheureux, gisant au seuil de leur maison, se jeter à la tête, d’un air espiègle, des fragments d’orteils, des rotules ou, roulées en boules et mâchées, des effilochures de mollets. Des culs-de-jatte, malins, cassaient comme brindilles leurs phalanges durcies et s’amusaient à les croquer, en riant à gorge déployée.

Certains féeriques à portée restreinte exerçaient sur la vie psychique une action toute différente. Loin d’amener une dégénérescence mentale instantanée, ils excitaient au contraire les facultés d’imagination ou de raisonnement. Des voiles se déchiraient ; une brusque lumière dissipait les