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LA MÊLÉE

rière, tous les boute feux des cinq parties du monde, tous les aventuriers et les pirates. Aucun appareil qui ne fût armé. De ce plafond mouvant, la foudre jaillissait continuellement.

Libérés de toute entrave, les hommes de proie écumaient les cieux. Actifs, joyeux, féroces, sans vergogne et sans pitié, prêts à toutes les audaces comme à toutes les trahisons, des aventuriers profitaient du désordre pour donner libre cours à leurs pires instincts. Des bandes insaisissables louvoyaient d’un pôle à l’autre, traquaient les isolés, s’attaquaient même aux express à demi vides du réseau général.

Il y avait aussi des opérations de vaste envergure. Des chefs, doués de puissante arrogance, allègres au milieu de l’orage comme de grands oiseaux rapaces, orientaient momentanément la cohue des partisans. Des rassemblements soudains se formaient, comme si des millions d’appareils eussent été happés par quelque mystérieux champ de forces. Dans le ciel des nuits, d’immenses escadres passaient en trombe ; grossies d’instant en instant, elles allaient, à une vitesse météorique, jusqu’à la rencontre fatale où elles s’émiettaient dans un tumulte de fin de monde. De grandes batailles se livrèrent ainsi, au-dessus de l’Amérique centrale, de l’Australie, de la mer de Chine et une autre, la plus acharnée, la plus terrible, vers le pôle Nord, au-dessus de la calotte glaciaire, dans la lumière étrange d’une aurore boréale.

Batailles effroyablement meurtrières et cependant indécises, sans aucune efficacité tactique.

La lutte, menée par les méthodes ordinaires, semblait devoir s’éterniser ou, du moins, durer jusqu’à l’épuisement total des deux partis, jusqu’à ce que