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HARRISSON LE CRÉATEUR

Le vieillard, de nouveau, ferma les yeux.

Déjà Samuel recommençait à jouer avec sa bête favorite. Il n’avait rien écouté… C’était un enfant curieusement arriéré, sans aucun symptôme morbide, cependant ; les experts psychologues voyaient en lui, non un malade, mais un spécimen de l’humanité aux âges néolithiques. En sa cervelle obscure, les mots les plus simples éveillaient seuls de fugitives images. D’une beauté parfaite, l’harmonie naturelle de ses gestes était une joie pour les yeux. Harrisson, aux heures de repos, le laissait souvent jouer près de lui. Ce soir, pourtant, importuné par son manège, il le congédia.

Samuel, qui aimait la présence du savant, se fit un peu prier.

Harrisson, d’un geste, lui montra la sortie.

Go !

L’enfant s’éloigna, triste, son chat entre les bras.

Le vieillard semblait dormir. Malgré l’approche du crépuscule, il faisait encore chaud. Sûr de n’être pas dérangé, Harrisson, avec un soupir de soulagement, ôta sa tunique ; puis il retira la mince pellicule isolante qui lui protégeait les mains et les poignets.

Depuis un mois, il vivait dans son laboratoire privé, y passant toutes ses journées et une partie de ses nuits. Il y vivait seul, à cause de l’atmosphère infernale à laquelle ses aides ne s’habituaient pas ; à cause, surtout, des dangers inconnus. Certes, contre les dangers ordinaires, toutes les précautions étaient prises. Harrisson ne craignait point ces dangers-là ; il s’était prouvé à lui-même l’impossibilité de l’accident actuellement explicable. Mais il fallait compter avec de grosses, avec de terribles surprises. Le domaine que le jeune savant explorait, ce domaine extravagant des impondérables, était d’une diversité inconcevable et, malgré de nombreux travaux,