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I

AU SIÈCLE D’AVÉRINE


Comme sept heures sonnaient au méridien voisin, Harrisson parut sur la terrasse. Après cette journée passée tout entière dans l’atmosphère terrible du laboratoire souterrain, le jeune savant éprouvait une joie aiguë à respirer l’air frais chargé d’inépuisables odeurs végétales.

Ayant retiré son costume de travail, une blouse en soie naturelle doublée de pellicules isolantes, il tint un moment à bras tendus le vêtement grossier, puis il fit une pirouette et, d’un geste gamin, le lança soudain vers la droite. La blouse flotta en l’air une seconde et vint couvrir Samuel, le jeune mulâtre, qui, accroupi par là, jouait avec un petit chat.

Harrisson éclata de rire : le chat miaulait et Samuel s’agitait en criant sous les plis de l’étoffe.

— Sam ! damné garçon ! voici que vous foulez aux pieds ma blouse aux mille glorieuses taches ! Le respect ne saurait-il entrer en votre cervelle d’oiseau ?

— Mauvais !… mauvais !… criait l’adolescent apeuré.

Débarrassé de la blouse, il reculait, serrant entre ses bras sa bête favorite.

— Mauvais garçon vous-même ! continua Harrisson. Quand vous aurez déchiré mon vêtement de cérémonie, comment pourrai-je aller dans le monde ?… Et que dira notre grand poète Lahorie, qui me compare déjà à une bête d’Apocalypse ? Et que diront les Académies ?…