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LA MÊLÉE

demeurer occulte, n’en avait pas moins toute puissance.

L’agitation des esprits demeurait extrême. Partout, déjà, les minorités nationales se disaient opprimées. Des grèves éclataient, aussitôt réprimées avec rudesse. Les vitrificateurs subalternes sabotaient le réseau routier en Europe orientale. En Australie, des agriculteurs détruisaient des postes météorologiques, faisaient tomber en un guet-apens les inspecteurs régionaux des récoltes.

Le Conseil Suprême, où l’unanimité ne s’obtenait plus que difficilement, réagissait avec mollesse contre les innovations les plus hasardeuses ; s’il conservait encore la direction générale de la police mondiale, il s’était laissé dépouiller peu à peu du droit de veiller au recrutement et à l’encadrement.

La société tout entière était en travail de renouveau ; les plus sages finissaient par céder au courant et se laissaient emporter.

L’heure était dangereuse, ardente et belle. L’humanité, comme par le coup de baguette d’une fée, se réveillait jeune. Les fêtes dépassaient en splendeur et en animation tout ce que les générations précédentes eussent pu imaginer. Dans chaque pays, on assistait à une riche éclosion artistique. Poètes, orateurs, musiciens, danseurs, architectes créaient ou retrouvaient des formes singulières de beauté. La débauche diminuait ; la jeunesse s’adonnait avec entrain à des jeux du corps imités des barbares. Les ingénieurs entreprenaient de grands travaux inutiles.

Et, dans les laboratoires privés, échappant à tout contrôle, de nombreux savants, continuateurs d’Avérine, fouillaient imprudemment aux fabuleuses matrices de l’éther, afin d’y trouver les secrets qui