Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

dence ! De longs siècles de paix pouvaient couler encore qui verraient grandir, grâce aux savants, d’inimaginables forces de protection. Non ! Il ne fallait rien détruire.

Harrisson écoutait, à demi vaincu déjà, heureux de pouvoir se rendre. Cependant, il discutait encore :

— Je ne vois plus beaucoup de raisons d’espérer… Les forces de protection, où sont-elles ? Qui de nous va les créer ?… Les raisons d’espérer s’évanouissent à mesure que l’on applique son attention… un mirage ! les hommes sont fous et méchants, et ils ne peuvent être autrement : ne voit-on pas qu’ils meurent d’ennui au jardin de la sagesse !… La science a grandi trop vite dans un monde aux lentes métamorphoses… Avérine est né cinquante siècles trop tôt… Et nous qui continuons l’œuvre du maître… insensés que nous sommes ! insensés ! nous armerons le frère contre le frère, nous ouvrirons peut-être un infini de tortures… nous ouvrirons peut-être la porte du néant !

Lygie secouait la tête.

— Non ! non !… tout cela n’est qu’un cauchemar !… Et puis qu’importe ! Il faut savoir !…

Les bras tendus vers la table d’expériences, elle avait jeté les derniers mots d’une voix exaltée.

Harrisson tressaillit. Il répéta plusieurs fois :

— Oui ! il faut savoir !… Il faut pourtant savoir !…

Il relevait le front ; et, derrière Lygie, il avançait peu à peu vers les appareils, vers l’inconnu tentateur, vers les fascinants mystères.

Un quart d’heure plus tard ils étaient penchés, tête contre tête, au-dessus d’un écran lumineux où s’inscrivait l’évolution d’un microscopique organisme tumultueux.

Ils passèrent là une partie de la nuit, frissonnant