Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

simples, susceptibles de frapper l’imagination des masses.

Harrisson, inlassablement, répétait le même avertissement : la conquête de l’éther serait fatale à la civilisation universelle si l’on ne trouvait pas, chez tous, une prudence toujours plus grande et une sincère volonté de paix.

Pressé de tous côtés par des contradicteurs ignorants, Harrisson, avec une sorte de répugnance et d’effroi, poussait sa pensée à ses dernières limites.

Le savant, dont la passion de recherches avait empli la vie, en venait presque à maudire la curiosité humaine. Un soir, comme il parlait aux parallèles d’Asie, il finit par s’écrier :

— Je vous dis qu’il faut avant tout organiser et surveiller le travail scientifique !… Je vous en adjure : surveillez la science ou tuez-la !… Il n’est pas de tâche plus urgente ! Il n’est pas d’autre moyen de salut !

De nombreux auditeurs s’exclamèrent devant la nouveauté de cette proposition ; les sarcasmes ne tardèrent pas à pleuvoir :

« Que ne mettez-vous le feu à l’institut Avérine ? disaient les voix ironiques. Brisez vos appareils, monsieur le savant, et marchez à quatre pattes ! »

Et les voix malignes disaient encore :

« Harrisson ! diabolique Harrisson ! Vous venez d’avouer que vous êtes un des plus grands coupables de tous les temps ! Réclamez donc des juges sévères qui vous condamneront à la correction psychique !… Harrisson le créateur, demandez aux juges un inoffensif cerveau de glaise !… »

Touché cruellement au point sensible, Harrisson quitta la bibliothèque, d’où il parlait, et gagna le laboratoire. Lygie, qui avait tout entendu, venait