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LES GARDIENNES

le pousser aux écoles ; quand la guerre sera finie, je crois bien que Lucien continuera ses études.

Francine réfléchissait.

— Alors, si ton frère abandonne la boulangerie, plus tard, ce sera toi qui succéderas à ton père lorsque tu seras mariée…

Elle ajoutait, avec un peu de malice :

— Lorsque tu seras mariée avec quelqu’un du métier… avec quelqu’un du pays qui se plaira au Marais.

À cette idée de mariage, Marguerite riait à grand bruit.

Georges Misanger avait envoyé son portrait fait à l’armée. Ce portrait se trouvait sur la commode entre plusieurs autres ; dès l’abord, il attirait les regards, occupant la maîtresse place. Marguerite, s’arrêtait souvent à le considérer ; Francine également, mais en souriant et d’un petit air détaché.

Elle disait :

— Il a l’air bien jeune pour être soldat… il n’a pas de moustaches encore… ou si peu ! On lui donnerait quinze ans.

L’autre protestait.

— Il est beaucoup plus grand que tu ne crois. sur le portrait, sa taille ne paraît pas. Et il est fort ! À seize ans, il montait au grenier toutes nos balles de farine qui pèsent 100 kilos.

Le beau soldat, dans son cadre doré, avait l’air d’écouter les deux petites et d’y trouver amusement ; ses yéux étaient pleins d’une rieuse insouciance.