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LES GARDIENNES

— Allons ! reprit-elle, il faut rentrer !

Comme il restait toujours immobile, elle le prit par le bras et l’entraîna. Il se laissait conduire comme un enfant ; à chaque pas qu’il faisait il s’appuyait davantage sur le bras de Francine ; elle, à donner ainsi son aide, éprouvait une sorte de plaisir. Vint un moment où le vieillard sentit ses jambes fléchir ; elle le conduisit donc sur l’accotement de la route où elle le fit asseoir. Elle l’avait recoiffé et elle lui disait des paroles d’encouragement qu’il n’écoutait pas.

Bientôt, la Misangère parut. Ayant vu les bêtes revenir seules au Paridier, elle avait tout de suite pensé à une défaillance de Claude et elle arrivait disposée à la sévérité. Mais, de loin, elle devina qu’il se passait quelque chose de plus grave ; elle hâta le pas.

— Qu’y at-il donc ? demanda-t-elle, essoufflée.

Claude leva la tête et ce fut comme un cri qui sortit de sa bouche :

— Constant est mort |

Elle reçut le coup en plein. Ses mains se joignirent en un mouvement involontaire et montèrent à sa gorge ; tout son corps frémit comme un arbre qu’on frappe. Mais d’un immense effort, elle refoula son émoi : ses mains retombèrent, les lignes de son visage reprirent leur sévère fixité. Elle réussit à dire, sur un ton où il y avait un peu de gronderie :

— Allons, Claude, voyons ! il faut t’en venir !

Elle aida Francine à mettre le vieillard debout et toutes les deux le ramentèrent à la ferme où le travail cessa pour la journée.