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LES GARDIENNES

Hortense et le père Claude lui firent conduite dans le courtil. À la barrière, il les arrêta : il embrassa sa mère, puis son père. Le vieux se tenait tête nue, tout cassé et, sans s’en apercevoir, il levait les mains vers les épaules de son fils. Celui-ci prit ces pauvres mains qui tremblaient et, doucement, les abaissa ; pour la première fois, une lueur d’attendrissement passa dans ses yeux, mais il se ressaisit vite, dressa la tête, les poings serrés.

— Il faut être fort ! dit-il ; soyez forts, quoi qu’il arrive ! Adieu ! je vous écrirai en arrivant là-bas.

Et il partit, sanglé dans son costume bleu, un peu plus droit que de coutume, faisant claquer ses talons sur la route sèche.

Il n’écrivit jamais.

Dix jours plus tard, exactement, le père Claude labourait pour les pommes de terre dans un champ du Paridier qui bordait la route de Sérigny. Derrière lui, Francine semait les tubercules dans le sillon. Elle se trouvait près de la route lorsque le facteur passa ; descendant de bicyclette, il lui tendit une lettre.

— Pour M. Misanger ! dit-il.

Francine prit la lettre, courut derrière la charrue. Le père Claude arrêta les bœufs et se retourna.

— Voici ce que vous attendiez, dit-elle.

La figure du vieux s’éclaira.

— C’est de Constant ? demanda-t-il.

— Je le crois ! répondit-elle, après avoir regardé les cachets.