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LES GARDIENNES

Sur sa dernière lettre, Georges avait demandé qu’on lui envoyât du fil et quelques aiguilles. La Misangère se rappelant cela tout à coup, s’inquiéta de chercher ce qu’il fallait ; elle découvrit bien du fil convenable, mais les aiguilles se trouvèrent trop fines pour les doigts d’un homme. Alors Francine chercha dans une boîte qu’elle avait ; elle en sortit une trousse et dit :

— Il doit m’en rester quelques grosses.

Elle en choisit une dizaine et les piqua dans un petit carré de fianelle qu’elle posa simplement sur la table à côté du paquet, n’osant faire une offre plus directe à sa patronne. Celle-ci eut d’abord un geste pour refuser, mais elle comprit bien vite que cette fille rougissante faisait de grand cœur cet humble don. Sévère et de caractère hautain, la Misangère était juste pourtant et tenait compte à chacun de sa bonne volonté.

— Je prends donc tes aiguilles, dit-elle ; tu te montres aimable, ma fille… je t’en saurai gré.

Francine écrivit les adresses avec application, Elle sut ainsi où se trouvaient ceux de la famille, ou, du moins, à quels régiments ils combattaient ; pour le plus jeune, elle retint même l’adresse complète avec le numéro de la compagnie et le secteur postal.

Il n’en fallait pas davantage pour emplir son cœur de jeune allégresse. La Misangère partie, elle taquina Maxime et, quand il lui offrit de la reconduire au Paridier par le bateau, elle accepta.

Ils glissèrent sur le canal silencieux où se posaient les ombres du crépuscule.