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LES GARDIENNES

— Tu n’es guère avancée !… Et, vraiment, tu as peur sur l’eau ?

— C’est que jamais je n’étais montée sur un bateau !

Il crut qu’elle voulait l’engeigner et le prit d’assez haut,

— Tu sais, je ne suis pas de la Saint-Jean ! mets-toi bien ça dans la tête !

Elle lui fit comprendre qu’elle disait simplement la vérité ; alors, il la considéra avec surprise.

Comme ils arrivaient en face de la Cabane, il lui demanda encore :

— Comment t’appelles-tu donc ?

— Francine Riant.

— Ah ! zut ! dit-il.

D’un coup de perche, il poussa le bateau jusqu’au bord et il le maintint pendant que Francine descendait. Il mit pied à terre à son tour, et, prenant la servante par le bras :

— Tu ne connais pas le Marais ? Eh bien, regarde !

Francine se retourna. En face de la Cabane, la conche Saint-Jean ouvrait une perspective de rêve ; sous la voûte des branches, au-dessus de l’eau immobile comme un métal, les rayons jouaient parmi des lambeaux déchiquetés de vapeurs blanches ; et, partout, sur la droite, sur la gauche, aussi loin que portait la vue, d’autres rigoles débouchaient, pâles et dorées. D’ans l’air jeune montaient des peupliers innombrabies. Tout le Marais s’éveillait sous l’amitié du soleil.

Francine, émue, se mit à sourire devant ce beau