Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
LES GARDIENNES

inquiétant ; elle s’affaissa donc de nouveau parmi les crapauds et, de ses deux bras écartés, elle prit appui sur les bords de l’étroite barque. L’anguille, énorme, se tortillait devant elle et cela aussi l’effrayait. Maxime sauta sur la bête et avec son couteau de poche lui fendit la queue. Il demanda :

— Tu n’as donc jamais vu d’anguilles ?.… De quoi as-tu peur ?

— J’ai peur de tomber dans l’eau !

Il éclata de rire ; debout, les jambes écartées, il se mit à faire balancer le bateau. Quand il fut fatigué de ce jeu, il parla sérieusement.

— Ce n’est pas tout ça ! dit-il, je dois te mener à la Cabane.

Ils longèrent le bas Sérigny. Francine, remise de sa frayeur, s’était assise à l’avant du bateau. À cause du brouillard, elle ne pouvait encore voir le Marais, mais elle apercevait, débouchant sur la gauche, les coulées laiteuses des rigoles et des conches ; sur la droite, les cabanes étaient bâties tout à fait au bord de l’eau ; entre ces cabanes, des ruelles très étroites, marquant la place d’anciens fossés, s’ouvraient, pleines de brouillard aussi. Des bateaux commençaient à voyager. Passa celui des Mazoyer avec un chargement d’herbe ; une vieille le conduisait ; en la croisant, Maxime tira la langue.

Devant la mine étonnée de Francine, sa curiosité à lui aussi, s’éveilla. Il dit :

— Tu écarquilles les yeux comme si tu n’avais jamais rien vu !… Tu ne connais donc pas le Marais ?

— Non, répondit-elle, je ne le connais pas.