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LES GARDIENNES

On ne voyait pas très loin devant soi, car le brouillard couvrait le Marais. C’était un brouillard à plusieurs étages nettement marqués : épais comme du lait au ras du canal, il s’éclaircissait soudain à hauteur des frênes et n’était plus qu’une légère buée flottante à la pointe des peupliers.

— Dépêche-toi ! les Mazoyer vont sortir pour aller à l’herbe !

— Où veux-tu me mener ?

— Chez moi, donc ! descendras-tu, oui ou non ?

Il trépignait, jurait entre ses dents.

Francine se décida enfin ; elle descendit brusquement et le bateau dansa. Effrayée tout de bon cette fois, elle ne put retenir un cri, leva les bras pour s’accrocher à une branche, mais, sans perdre de temps, Maxime avait donné un coup de perche et le bateau gagnait le large. Alors elle s’accroupit au milieu du bateau, malgré l’eau sale qui s’y trouvait.

Maxime ne s’occupait plus d’elle ; il poussait sa perche et cherchait des yeux quelque chose sur l’eau.

— C’est là ! dit-il tout à coup ; attention ! ça va sauter !

Il piqua droit sa perche pour immobiliser le bateau et, atteignant une branche morte qui servait de flotteur, il amena vivement son engin.

— Ça pèse, disait-l tout bas, ça grouille ! attention !

Tout à coup il jura comme un vilain homme : le filet ne renfermait que des crapauds, une dizaine de monstres aux pattes engluées dans la masse translucide des œufs.