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LES GARDIENNES

contournait d’assez loin le village. Elle s’étonna, comprenant bien que ce n’était pas la bonne direction, mais l’enfant, devant elle, filait vite, à demi courbé, d’une allure silencieuse de maraudeur. Comme elle restait un peu en arrière, il se retourna, impatienté et, du premier coup, la tutoya.

— Eh bien, quoi ! viendras-tu ?

Elle dut courir pour le rattraper. Il expliquait :

— J’ai un verveux et des cordes dans la part aux Mazoyer… Les chevesnes voyagent par là… Tu ne crois pas ? C’est Grenouillaud qui me l’a dit… Ainsi !… Je voulais aller lever ce matin, avant la clarté, mais grand’mère est venue à la maison. Elle n’est pas commode, qu’en dis-tu ?

Il poursuivait, toujours trottant :

— Je ne peux pas attendre le grand jour… puisque c’est dans la part aux Mazoyer… En ce moment, il y a encore du brouillard, ça va ! Et puis, avec toi dans mon bateau, personne ne se doutera de rien, tu comprends ?…

Toujours de bonne volonté, elle répondit :

— Oui… Oui… je comprends !

— Alors, ça va ! ça va bien !

À la vérité, elle ne comprenait rien du tout ; quand elle se vit entre les peupliers, sur le bord du canal, elle voulut s’en retourner, mais l’enfant avait déjà sauté dans un bateau qui était caché là.

— Descends ! dit-il impérieusement.

Elle fit des manières ; elle souriait encore, mais au fond n’était pas rassurée.