Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
LES GARDIENNES

Ce fut la Misangère qui lui donna ses ordres et vérifia la besogne. Il ne s’agissait pas, bien entendu, d’un travail de femme ; Solange suffisait à la maison et, d’ailleurs, que le ménage fût bien ou mal fait, cela importait assez peu pour le moment.

Francine dut faire la besogne d’un valet. Ayant déjà travaillé aux champs, elle ne fut pas désorientée ; elle savait conduire les bêtes, manier les outils et son habileté naturelle suppléait à la force qui lui manquait. D’ailleurs, ni le père Claude ni Christophe n’étaient de maîtres ouvriers ; elle tenait donc son rang sans trop de peine.

Sa bonne volonté était grande. Chaque fois qu’elle entrait en condition, elle se présentait ainsi le cœur ouvert ; elle commençait par donner joyeusement son plein effort dans l’espoir qu’on lui rendrait justice, qu’on lui témoignerait quelque amitié, qu’on la considérerait un peu plus que les bonnes bêtes domestiques. Jusqu’à présent, cela ne lui avait pas beaucoup réussi.

Au Paridier, les quatre premiers jours, Franeine ne remarqua rien qu’elle n’eût déjà rencontré ailleurs. La Misangère lui parlait d’une voix calme, un peu sèche, disant juste ce qu’il fallait ; le père Claude travaillait sans gaieté, le petit valet se montrait niais. Le soir, lorsqu’elle se trouvait seule à la maison avec Solange, la conversation tournait court ou bien il n’y avait pas de conversation du tout. La jeune patronne donnait simplement ses ordres sur un ton nonchalant. Elle ne questionna même pas Francine sur les différentes places où elle