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LES GARDIENNES

Après le dîner, les beaux-parents quittèrent le Paridier. Dans la nuit, ils marchaient silencieusement, l’âme pleine d’angoisse. Ils songeaient à leurs trois fils, surtout à celui qui était si jeune, si mince, de cœur léger et tendre. La même vision s’imposait à eux, les poursuivait : celle de leur enfant cloué au sol et qui se retournait d’un eflort désespéré, la bouche grande ouverte, les yeux fous. Et ils songeaient aussi aux parents boches, peut-être deux pauvres vieux paysans comme eux…

La Misangère sentait, en sa poitrine, son cœur se glacer. Des larmes lui emplirent les yeux ; comme personne ne pouvait les voir, elle les laissa couler. Mais, à côté d’elle, le père Claude marchait pérmiblement, la tête basse, les épaules accablées ; elle l’aida de son bras pour monter la côte de Château-Gallé.

Quand ils arrivèrent à leur maison, le vent avait séché les larmes. La Misangère parla d’une voix ferme et qui marquait du contentement.

Le lendemain, elle comprit que, pendant la durée de la permission, sa place n’était pas au Paridier. Solange avait dû se plaindre, et d’ailleurs il ne fallait pas grand’chose pour que Clovis s’échauffât contre sa belle-mère. Seuls de la famille, le gendre et le second fils étaient de taille à tenir tête à la Grande Hortense. Celle-ci cédait parfois devant le fils ; devant le gendre, jamais ! leurs caractères se choquaient si dur que la paix, entre eux, n’était guère possible.

Pendant quelques jours, Clovis devait commander