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LES GARDIENNES

sur un journal de Paris : la vaillance des troupes, leur bonne humeur et la bêtise des Boches. Il en fut pour ses frais. Clovis faisait la guerre parce qu’il le fallait, mais ce n’était pas un travail plaisant ni avantageux…

— On tape dans le tas pour que ça finisse… Souvent on est en colère… et le dernier Boche, si on le tenait !…

— Vous n’avez jamais peur, vous ! dit encore Antoine.

— Peur ? dame, si !… Mais quand il faut heurter un bon coup, je heurte !

Il conta le dernier assaut et aussi certaine rencontre que des camarades et lui avaient faite au début de la guerre, en débouchant d’un bois, un matin au petit jour. Ils s’étaient trouvés nez à nez avec une forte patrouille boche qui leur avait tiré dans la figure. Alors, sans prendre le temps de la réflexion, il avait fallu s’empoigner. Lui, pour sa part, en avait embroché deux, un gros galonné qui se trouvait sur son chemin, et un jeune, tout mince, qui se sauvait et courait bien. Le gros était tombé comme un sac, flouc ! et il fallait l’entendre brâmer ! Quant au jeune, il avait sauté sous bois et jamais on ne l’aurait rattrapé s’il n’était tombé à plat ventre dans les broussailles. Clovis, arrivant sur lui comme la foudre, lui avait planté sa baïonnette entre les épaules.

— Et alors, figurez-vous, quand j’ai voulu retirer ma baïonnette, pas moyen !… Elle tenait dans la terre, dans les os, je ne sais où… J’ai dû me mettre