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LES GARDIENNES

d’être si haut ; il le mit à terre et le fit marcher, criant :

— Une !… deusse !… Une ! deusse !…

La Misangère s’était approchée et, derrière elle, le père Claude. Clovis fit simple accueil à sa belle-mère, mais secoua fort la main du beau-père. Il avança ensuite vers les valets qui, depuis son arrivée, travaillaient activement. Il leur dit les paroles qu’il fallait, puis leur recommanda de ne point abîmer les tubercules avec les dents de la fourche ; en traversant le champ, il avait en effet remarqué plusieurs pommes de terre coupées et cela ne lui plaisait pas trop.

À Solange qui le priait de venir manger une bouchée à l’ombre, il répondit, montrant le tombereau à moitié vide :

— Ce n’est pas encore l’heure de la pause |

Sa vareuse retirée, il saisit une fourche et se plaça devant les valets. Grand ouvrier, pourvu de force et d’adresse, il menait le train beaucoup trop rondement pour les deux autres ; il leur venait en aide de temps en temps, mais les chétifs peinaient quand même à le suivre. Sa fourche tombait entre les fanes à bonne distance du pied et, d’un seul coup de poignet, il ramenait au jour les tubercules qui s’éparpillaient sur la terre fraîche.

Il ne plaisantait point, ne souriait point ; il grommelait au contraire quand il voyait de mauvaises herbes ou des pommes de terre tachées par la maladie.

Sa joie cependant était profonde.