Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
41
LES GARDIENNES

Il faut l’avouer : à ce moment-là certaines volontés fléchirent. De pauvres femmes, qui avaient tenu jusqu’alors, lâchèrent tout à coup, brisées de corps et d’âme. Une fois la moisson terminée, elles vendirent ce qu’elles possédaient et abandonnèrent leur exploitation. De ce fait, il resta pendant quelque temps des terres en friche. À Sérigny et aux environs il y en eut fort peu, une quinzaine d’hectares peut-être que l’on fit pacager et qui, d’ailleurs, furent cultivés dès l’année suivante.

Par la volonté de la Misangère, la récolte, au Paridier, se fit recta. La première aux champs, elle tenait son monde en main et ne le laissait soufller qu’après besogne faite. Au moindre écart, elle secouait dur.

Le père Claude, assoupli depuis longtemps, subissait le joug avec résignation. Au contraire, Antoine le valet grognait en mauvais chien ; souvent, au lieu de se redresser franchement, il tentait une résistance oblique, feignait de ne pas comprendre les ordres, jouait au malade ou bien excitait Christophe, le jeune second. Ces finasseries ne lui réussissaient guère ; il fallait, bon gré, mal gré, pousser la besogne au bout.

La règle était, pour les valets, de travailler aux heures de jour et de se reposer le dimanche, après le pansage du matin. Au Paridier, cette année-là, il n’y eut guère que des semaines sans dimanche et les jours n’en finissaient point. Pour ce labeur extraordinaire et contraire aux usages, les valets furent d’ailleurs payés largement.

Solange se reposait sur sa mère du soin de diriger