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LES GARDIENNES

III


Au cours de cet été, la peine fut grande aux champs. De continuelles levées de soldats avaient privé la campagne des derniers bras valides. Il ne restait pour aider les femmes que des vieux et des hommes infirmes ou chétifs : quelques-uns, très rares, qui paraissaient forts, avaient des maux cachés qu’ils avouaient pitoyablement.

Beaucoup de gens haut placés avaient annoncé pour l’automne la fin de la guerre. On les avait écoutés d’abord et l’on s’était efforcé de croire que le beau temps permettrait la grande bataille libératrice ; mais le beau temps passait et les ennemis ne lâchaient pas prise. Des bruits décourageants commençaient à se propager. La guerre, disait-on maintenant, serait une guerre d’usure, très longue par conséquent, si longue que personne n’en pouvait prévoir la fin. On rapportait des nouvelles étonnantes : nos alliés anglais s’établissaient à demeure chez nous, louaient des terres pour dix ans, entreprenaient patiemment d’immenses travaux, instruisaient sans se presser leurs soldats. Et les gens au courant chuchotaient aussi que la gendarmerie préparait

l’incorporation de tous les hommes sans limite d’âge.

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