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LES GARDIENNES

Le lendemain, dès l’aube, elle revint à la Cabane, surprit le petit au lit et l’emmena à Château-Gallé où il demeura toute la journée, attaché avec une chaîne de fer.

Il n’en fut pas complètement corrigé. Guéri de son insolence envers sa grand’mère, il n’en conserva pas moins la liberté de ses mouvements ; de cette liberté, il usa largement.

Il faut dire qu’il n’était pas seul de son espèce. À Sérigny certes, beaucoup de petits travaillaient avec acharnement ; il y en eut qu’une gravité précoce accabla ou qui restèrent rabougris pour avoir prématurément usé leurs forces à des besognes d’hommes. Mais d’autres agissaient d’une façon bien différente. Dans ce seul village on aurait pu compter une dizainc de galopins dont la grande occupation était de vagabonder et de battre l’estrade en quête d’amusements défendus. Les mères, trop faibles, trop fatiguées, trop tristes aussi, ne réussissaient pas à s’en faire obéir. Elles avaient parfois des sursauts d’énergie désordonnée ; alors les coups pleuvaient comme grêle dans une tempête de cris et de larmes mais, le lendemain, les diableries recommençaient. On vit des gamins parler en chef chez eux, très insolemment, sans que personne leur fermât le bec.

La poigne virile manquait et les êtres capricieux sur qui elle avait coutume de s’appesantir cherchaient à s’émanciper.

Les enfants n’obéissaient plus, les valets parlaient avec arrogance ; des mendiants à figure de sorciers