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LES GARDIENNES

jamais battu mais elle avait une façon de le regarder qui le faisait se tortiller comme s’il eût été pris de coliques. Par malheur, elle le rencontrait difficilement à la Cabane, Quand elle entrait par une porte il filait aussitôt par l’autre et, même, cela ne le gênait pas beaucoup de passer par la fenêtre ; il dégringolait jusqu’au canal et, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, bondissait comme une sauterelle sur un petit bateau qu’il conduisait à la perche ou à la rame avec une habileté diabolique. Au large, il ne craignait plus rien.

Le jeur où la Misangère vint à la Cabane en bottant, appuyée sur une canne, le mauvais drôle ne craignit pas de montrer sa joie. Il se trouvait précisément au milieu du canal, hors d’atteinte ; comme elle voulait le faire revenir, lui, oubliant toute retenue, lächa sa perche, et, mettant ses mains en porte-voix, il se mit à la tourner en dérision, imitant ses appels :

— Hortense ! Hortense ! Grande Hortense !…

Ceux de la Cabane Bacloux purent l’entendre et tous ceux qui venaient à ce moment-là par la route de Saint-Jean.

La Misangère entra vite chez sa bru : celle-ci s’excusa en pleurant :

— Je fais ce que je peux, je vous assure ! cela ne dépend pas de moi !

— Il faut faire plus encore, dit la grand’mère… Il reste à redresser, coûte que coûte, le caractère de cet enfant. Si Norbert le retrouvait tel qu’il est en ce moment, il ne serait pas flatté.