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LES GARDIENNES

Assis l’un à côté de l’autre, devant une conche, en plein soleil, Marivon et Maxime, la gaule en main, coassaient ; l’homme, aussi naturellement que s’il n’eût jamais ouvert la bouche pour proférer d’autres sons, l’enfant, avec application, avec des efforts comiques qui lui faisaient gonfler le dos et rentrer le cou entre les épaules.

Coup sur coup Marivon tira trois grenouilles. Il avait, pour cette pêche, une branche de saule et une ficelle au bout de laquelle était attaché un chiffon rouge. Il levait doucement la branche et les grenouilles, suspendues à l’appât, venaient à hauteur de sa poitrine ; comme il ne voulait pas perdre son temps à les tuer, il les détachait comme on cueille un fruit et les glissait tout simplement dans ses haillons, entre sa peau et ce qui lui servait de chemise. Il coassait à perdre haleine et pêchait sans arrêt, heureux de montrer à Maxime son incomparable tour de main.

La Misangère interrompit le jeu.

— Grenouillaud ! fit-elle, d’une voix qui n’était pas tendre.

Du même mouvement, l’homme et l’enfant se relevèrent et lui firent face. Elle marchait vers eux, le visage sévère.

— Attendez un peu ! disait-elle, je m’en vais vous faire rire, moi !

Marivon, en effet, avait commencé par sourire, comme il souriait, honnètement, à tout hasard, quand on lui adressait la parole. Maintenant, il comprenait que la Grande Hortense venait avec des